L’assistance humanitaire auprès des civils qui fuient la guerre
Ça peut paraitre surprenant, mais la guerre a ses limites. Elle doit effectivement respecter un ensemble de règles, et c’est ce que l’on appelle le droit international humanitaire. Pour résumer, le but de ces règles est de protéger les personnes qui ne participent pas aux combats, comme les civils, qui ne doivent donc pas faire l’objet d’attaques, mais aussi les personnes qui ne prennent plus part aux combats, et là on fait plutôt référence aux combattants blessés.Et pour y parvenir, les règles du droit international humanitaire interdisent donc aux États et aux groupes armés engagés dans un conflit d’utiliser des armes et des tactiques militaires :
- Qui provoquent des dommages graves et durables à l’environnement,
- Qui ne font aucune distinction entre les civils et les combattants,
- Et qui causent des maux superflus, c’est-à-dire qui provoquent des souffrances qui ne répondent pas à un objectif militaire.
Et pourtant, malgré l’existence de ces règles, les attaques contre les civils continuent. Les Nations Unies estiment d’ailleurs que 80 à 90% des victimes dans les conflits dans le monde sont des civils. Et chaque jour, on recense en moyenne 100 personnes civiles tuées à cause de la guerre.
Ce qui est dur à croire, c’est que n’a pas toujours été comme ça. En effet, jusqu’au milieu du 20ème siècle, les affrontements armés avaient habituellement lieu dans des zones éloignées des habitations. Que ce soit au temps des vikings, d’Austerlitz ou encore de la Première Guerre Mondiale, la guerre consistait généralement à se retrouver sur un champ de bataille jusqu’à ce qu’un camp l’emporte sur l’autre !.. Et forcément, dans ces conditions, les civils ne représentaient qu’une infime partie des victimes, c’est-à-dire moins de 15% des personnes tuées.
Mais depuis la Seconde Guerre Mondiale, la façon dont la guerre est menée a radicalement changé. Du bombardement de Dresde en 1944 aux attaques de Marioupol et de Kyiv en 2022, les affrontements armés dans des zones densément peuplées sont effectivement devenus la norme comme on a pu trop souvent le voir en Serbie, à Grozny en Tchétchénie, à Gaza, à Alep en Syrie, dans l’État du Rakhine au Myanmar ou encore à Hodeïda au Yémen…
Et vous l’aurez compris, les combats en pleine ville provoquent inévitablement des pertes humaines au sein de la population civile, même lorsque celle-ci n’est pas directement visée et c’est dû au fait que les conséquences de la guerre sont décuplées en milieu urbain. Par exemple, lorsque qu’une arme explosive est tirée en ville, le risque est très élevé que cela endommage le réseau d’approvisionnement en eau potable, ce qui aura pour effet d’impacter des dizaines de milliers de personnes à la fois. Et c’est la même chose pour le système d’évacuation des eaux usées ou encore le réseau des lignes électriques dont la destruction peut dramatiquement affecter le fonctionnement des hôpitaux et la prise en charge des malades et des blessées.
Alors comment les organisations humanitaires agissent dans ce type de situation ? Et bien lorsque les combats ont lieu, la plupart des organisations humanitaires n’ont pas d’autre choix que de suspendre leurs activités, non seulement pour ne pas mettre leurs employés en danger, mais aussi et surtout pour ne pas mettre en péril leurs activités et les personnes aidées si un drame venait à se produire. Car même si le droit international humanitaire interdit formellement que le personnel humanitaire fasse l’objet d’attaques, dans les faits, la réalité est toute autre. C’est le cas par exemple en Éthiopie, qui a été en 2021 le pays le plus dangereux pour les humanitaires, avec 19 personnes tuées lors de bombardement ou d’embuscades menées à leur encontre.
Malgré tout, il y a une organisation très spéciale qui reste en activité permanente même en cas d’affrontement armé intense, c’est le Comité International de la Croix-Rouge. Le CICR, dont le statut d’organisation neutre, indépendante et impartiale lui a été conféré par les Conventions de Genève de 1949, est effectivement en contact permanent avec les parties engagées dans un conflit pour leur rappeler de respecter les règles du droit international humanitaire, et en particulier l’interdiction de cibler les personnes et les infrastructures civiles, les hôpitaux et le personnel médical.
Le CICR intervient également de manière très active pour l’établissement de couloirs humanitaires, et ces couloirs ont d’abord pour objectif de garantir l’acheminement de l’aide humanitaire sans qu’elle fasse l’objet d’entrave ou d’attaque. Mais ces couloirs humanitaires peuvent également permettre aux civils d’être évacués de façon sécurisée, et à cette fin le CICR, qui je le rappelle, est en contact permanent avec les parties aux conflit, veille à ce que celles-ci se mettent d’accord sur l’établissement d’un cessez-le-feu mais aussi sur l’horaire et le lieu de ces couloirs qui permettront aux personnes civiles d’être évacuées sans danger.
Et lorsque les civils ont enfin pu évacuer la ville, soit ils restent dans leur pays, et on parle alors de déplacés internes, soit ils décident de franchir la frontière pour se rendre dans un autre pays, et dans ce cas on parle alors de réfugiés. D’ailleurs en cas de passage de la frontière comme avec la crise en Ukraine, l’aide humanitaire s’active en trois volets, entre l’État d’accueil, les Nations Unies et les ONGs.
S’agissant de l’État d’accueil, c’est à lui que revient la responsabilité d’enregistrer les réfugiés pour les rediriger vers des centres d’accueils et des communautés ayant accepté de les héberger. C’est aussi à l’État d’accueil de recevoir et de traiter les demandes d’asile et de protection de ces personnes en vertu de leur statut de réfugiés.
En général, les institutions des Nations Unies et plus spécifiquement le Haut-Commissariat aux réfugiés – le HCR – apporte son soutien aux autorités des États d’accueil et assiste les personnes réfugiées en matière de conseils juridiques et d’information sur les procédures d’asile notamment. Mais les agences des Nations Unies jouent également un rôle essentiel en matière de coordination entre les organisations non-gouvernementales – les ONGs.
Car ce sont les ONGs qui sont en charge de la mise en œuvre de l’aide humanitaire telle qu’on la conçoit habituellement, au travers d’activités d’assistance et de protection. Étant donné que les personnes qui fuient la guerre n’ont pas eu d’autre choix que de prendre avec elles le strict minimum, c’est-à-dire leurs documents d’identités et parfois quelques affaires qui tiennent dans un sac uniquement, les ONGs mettent en œuvre des activités d’urgence, comme pour leur fournir des denrées alimentaires, des produits d’hygiène, un soutien financier ou mettre en place un service de soins de santé primaire.
Et parce que la guerre ne tue pas que physiquement, il est tout aussi important que les personnes déracinées puissent bénéficier d’un soutien psychosocial. Il faut en effet bien garder à l’esprit que ces personnes ont été contrainte de quitter d’urgence leur habitation, leur ville natale et ont peut-être assisté à des actes de violence ou en ont été elles-mêmes victimes. Elles n’ont également pas eu d’autre choix que de marcher des heures dans la peur et l’insécurité, avec le traumatisme de laisser derrière elles d’autres membres de leur famille ou un animal de compagnie.
C’est pourquoi l’assistance psychosociale apportée par les organisations humanitaires consiste également à offrir un débriefing psychologique à ces personnes, afin qu’elles puissent tout de suite mettre des mots sur ce qu’elles ont vécu et commencer, dans la mesure du possible bien évidemment, de construire leur résilience. C’est par exemple ce que l’UNICEF réalise au travers de son programme « points bleus ». Sous la forme d’espaces d’accueil installés aux frontières, ce programme consiste à non seulement offrir aux enfants et aux familles un premier niveau de prise en charge et de soins contre les traumatismes, mais son but est également de permettre aux enfants déracinés de continuer d’aller à l’école.
Dans le même registre, Action Contre la Faim met en place des « espace mères-bébés » pour apporter du soutien mental aux mères et aux enfants de moins de deux ans qui ont traversé des évènements violents. Les traumatismes peuvent effectivement contribuer à la malnutrition des enfants.
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