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Humanitaire : Aider sans périr

Humanitaire : Aider sans périr

Ces dernières semaines, et suite à l’assassinat de 8 personnes dont 7 travailleurs humanitaires au Niger en août, les médias ont énormément parlé des enjeux sécuritaires auxquels les organisations de solidarité et leur personnel sont confrontés. Et bien que cet évènement ait été extrêmement choquant, ce n’était pas pour autant un acte isolé. On observe en effet depuis plusieurs années une diminution de l’espace humanitaire pour des raisons de sécurité, comme c’est le cas par exemple en Afghanistan, en Somalie ou encore en Syrie.

Mais les risques et les menaces aujourd’hui ont atteint un tel niveau, que pour beaucoup de contextes l’assistance auprès des populations les plus vulnérables est conditionnée selon le niveau de sécurité des travailleurs humanitaires. De quoi une nouvelle fois, soumettre la communauté humanitaire à de nombreux dilemmes.

LES ATTAQUES À L’ENCONTRE DU PERSONNEL HUMANITAIRE SONT EN CONSTANTE AUGMENTATION.

Dans l’inconscient collectif, il est difficile d’imaginer qu’exercer une activité humanitaire peut s’avérer risqué. Et pourtant, cela n’a rien de surprenant, puisque l’action humanitaire a par essence vocation à être mise en œuvre dans des contextes dangereux, comme cela peut être le cas dans les situations post-catastrophes naturelles ou dans le cadre d’un conflit armé par exemple. D’ailleurs, dans ce type de contexte, les dangers sont les mêmes pour les populations locales comme pour les humanitaires, qu’il s’agisse des accidents de la route, des aléas naturels ou de l’exposition aux maladies tropicales par exemple.

Mais comme nous le disions en introduction, le personnel humanitaire fait également l’objet de menaces d’ordre sécuritaire. Très souvent, ces dangers se limitent aux vols et aux braquages opportunistes mais il n’est pas rare que les organisations de solidarité et leurs employés fassent également l’objet de menaces de mort ou subissent des kidnappings, des viols et tout aussi grave encore, des meurtres. Rien qu’en 2019, 234 employés humanitaires ont été blessés et 125 autres ont perdu la vie suite à un incident de ce type. Et ces chiffres ne font malheureusement qu’augmenter année après année, puisque l’on recensait 42 incidents de sécurité au début des années 2000, 130 en 2010, et 277 en 2019.

« Chaque année, c’est une petite poignée de pays qui concentrent les risques. Le Yémen, l’Afghanistan, le Soudan du Sud, la Centrafrique, la République Démocratique du Congo incarnent le top 5 des pays à risques et tirent les statistiques annuelles. Cette liste évolue chaque année et il y a gros à parier que pour l’année 2020 nous verrons apparaitre la zone sahélienne, le Nigéria où Action Contre la Faim a dû gérer une situation dramatique et le Niger avec l’expérience d’ACTED. »

Pierre Micheletti, Président d’Action Contre la Faim

Pour autant, ces chiffres se suffisent-ils à eux-mêmes pour conclure que les contextes d’intervention humanitaire sont de plus en plus dangereux ? En fait, pas vraiment ! Il est également important de noter que le nombre de travailleurs humanitaires n’a jamais cessé de croitre, puisqu’il a effectivement triplé en l’espace de 20 ans. Autrement dit, la montée des risques s’est aussi faite proportionnellement à l’augmentation du nombre de personnes travaillant dans l’humanitaire.

Et bien que le drame qui a affecté l’organisation ACTED en août dernier a essentiellement visé des employés français, il serait erroné de penser que ce sont surtout les employés internationaux qui sont victimes de ce genre d’attaques. En effet, les suivis réalisés à ce sujet démontrent que 90% des victimes sont des employés nationaux, c’est-à-dire des personnes qui possèdent la nationalité du pays dans lequel une organisation humanitaire intervient. Et la raison est simple : Les employés internationaux ne représentent toujours qu’une fraction réduite de l’ensemble du personnel au sein d’une mission humanitaire, les employés nationaux étant quant à eux les plus nombreux. Et puis ce sont surtout les travailleurs nationaux qui peuvent se rendre dans des zones auxquelles les employés étrangers ne peuvent pas accéder, comme c’est le cas en Syrie ou au Nigéria par exemple.

Mais comment expliquer que l’aide humanitaire fasse l’objet d’autant de violence à son égard ? Dans certains cas, comme pour les vols et les braquages, les organisations sont tout simplement visées pour ce qu’elles ont. Les ressources financières et matérielles dont elles disposent, comme l’argent destiné aux salaires des employés ou les véhicules qu’elles utilisent suscitent effectivement des convoitises susceptibles de faire émerger ce type de menace.

Depuis quelques années toutefois, on observe une inquiétante augmentation des attaques fondées sur des motifs politiques et idéologiques. Dans ces cas-là, les organisations humanitaires ne sont plus visées pour ce qu’elles ont, mais plutôt pour ce qu’elles sont ou ce qu’elles font. À titre d’exemple, le risque ici est qu’un ou plusieurs groupes armés et engagés dans un conflit impliquant l’armée française considèrent à tort qu’une ONG de nationalité française soit une branche civile des opérations militaires en cours, même si celle-ci applique strictement les principes d’indépendance, de neutralité et d’impartialité inhérents à l’action humanitaire.

Quoi qu’il en soit, la menace qui pèse sur la sécurité des travailleurs humanitaires est réelle, au point d’avoir poussé l’organisation ACTED à lancer un appel auprès des Nations Unies pour que les meurtres commis à l’encontre des humanitaires soient dorénavant considérés comme des crimes contre l’humanité. 

LES CRIMES COMMIS À L’ENCONTRE DES HUMANITAIRES BÉNÉFICIENT D’UNE IMPUNITÉ PERSISTANTE.

En effet, il n’existe à l’heure actuelle aucune disposition normative uniforme et cohérente en droit international qui accorderait aux travailleurs humanitaires une protection en toutes circonstances. Cela dépend effectivement beaucoup du contexte dans lequel le personnel exerce sa mission, selon qu’il s’agit d’un conflit armé ou d’une situation post-catastrophe naturelle par exemple.

Ainsi, en situation de conflit armé, le droit international humanitaire exige que le personnel de secours, c’est-à-dire les équipes humanitaires, soit « respecté[es] et protégé[es] » et ce quelle que soit sa nationalité. Et cette obligation s’impose à tous, puisqu’elle est non seulement inscrite dans les Conventions de Genève et leurs deux protocoles additionnels, mais elle a également valeur de coutume, c’est-à-dire que tous les États ainsi que n’importe quel groupe armé à l’obligation de respecter ces règles même s’ils n’ont pas accepté de signer et ratifier les Conventions de Genève. À cela s’ajoute enfin les dispositions contenues dans le Statut de la Cour Pénale Internationale qui disposent que « le fait de diriger intentionnellement des attaques contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d’une mission d’aide humanitaire » constitue un crime de guerre imprescriptible.

En revanche, lorsqu’il s’agit d’une situation post-catastrophe naturelle, c’est le droit international des droits de l’Homme et ses dispositions garantissant notamment le droit à la vie et à l’intégrité physique qui ont vocation à s’appliquer, bien qu’aucune disposition normative soit spécifiquement consacrée au personnel humanitaire. 

Quoi qu’il en soit, dans tous les cas, ce sont les États et leurs gouvernements respectifs qui sont soumis à une responsabilité de sécurité et de protection du personnel humanitaire. Plus précisément, c’est d’abord à l’État sur le territoire duquel s’accomplit l’action humanitaire que cette responsabilité incombe et ensuite seulement à l’État de nationalité du travailleur humanitaire. 

Malgré cela, force est de constater que l’existence de telles règles n’empêche pas que des attaques soient commises à l’encontre du personnel humanitaire. L’impunité reste d’ailleurs de mise, à l’image du meurtre de 17 travailleurs humanitaires d’Action Contre la Faim dans la ville de Muttur au Sri Lanka en 2006 et pour lequel aucune justice n’a été rendue. Et c’est pour cette raison que les organisations humanitaires sont contraintes d’établir des stratégies visant à maximiser la sécurité de leurs employés afin que la délivrance de l’aide auprès des plus vulnérables ne soit pas entravée.

RÉDUIRE LES VULNÉRABILITÉS POUR LIMITER LES RISQUES.

Pour ce faire, les organisations humanitaires veillent à préparer les futurs travailleurs internationaux au travers d’une formation à la gestion des risques sécuritaires sur le terrain. 

« Ce sont des stages de deux ou trois jours en résidentiel qui comportent à la fois des informations générales sur l’insécurité, ses mécanismes mais aussi des aspects très pratico-pratiques sur comment se comporter pendant une tentative de kidnapping, comment se comporter quand on est face à une tentative de car-jacking ou de bombardement etc… Il s’agit à la fois d’un cadre général et des mises en situation aussi réalistes que possible. Ces efforts pré-départs sont complétés par des briefings faits à leur arrivée sur les différents sites où travaille Action Contre la Faim. »

PIERRE MICHELETTI, PRÉSIDENT D’ACTION CONTRE LA FAIM

À cela s’ajoute également un énorme travail d’identification des risques, des menaces et des dangers auxquels le personnel humanitaire peut être confronté. En parallèle, il est tout aussi important de déterminer, dans l’hypothèse où un incident surviendrait, quelles seraient les conséquences à l’encontre du personnel, des biens et des activités. Mais quel que soit le niveau d’hostilité du contexte dans lequel elles interviennent, les organisations humanitaires n’ont dans tous les cas pas les moyens d’éliminer l’intégralité des menaces qui pèsent sur elles. Le mieux qu’elles puissent faire consiste donc uniquement à réduire leurs vulnérabilités de sorte que cela permette la continuité de leurs opérations auprès des communautés les plus vulnérables tant que les besoins existent. Pour y parvenir, elles s’appuient notamment sur le concept de « triangle de sécurité » dont les trois axes interdépendants sont l’acceptation, la protection et la dissuasion.

En travaillant tout d’abord sur l’acceptation, les organisations humanitaires cherchent à réduire les menaces en établissant des relations de confiance avec les populations locales et les bénéficiaires. 

« C’est une partie qui vise à dire ce que nous sommes, ce que nous faisons etc. mais aussi à vérifier que notre projet et nos actions sont acceptées par les différentes parties qui s’affrontent. Ce qui n’est pas toujours évident parce que discuter dans des terrains compliqués comme le Yémen, la Syrie avec les différents groupes qui s’affrontent signifie de pouvoir les contacter, de pouvoir négocier, de pouvoir avoir la certitude que les personnes avec qui on a négocié à un instant T sont les détenteurs effectifs du pouvoir et de la décision. »

PIERRE MICHELETTI, PRÉSIDENT D’ACTION CONTRE LA FAIM

Dans certains contextes en revanche, l’acceptation toute seule ne suffit pas à garantir la sécurité des employés humanitaires, et c’est la raison pour laquelle il peut être nécessaire de travailler sur des mesures protection dont l’objectif est de réduire le niveau de vulnérabilité du personnel et des biens en rendant plus difficile la possibilité qu’une attaque soit commise. En pratique, cela consiste le plus souvent à recruter des gardes non-armés, à installer des systèmes d’alarme ou encore appliquer une stratégie de « low profile », c’est-à-dire réduire au maximum la visibilité de l’organisation en enlevant son nom et son logo de tous les véhicules. Néanmoins, l’excès de mesures de protection peut être contreproductif puisque l’effet de « bunkerisation » qu’elle produisent altère également l’acceptation auprès des communautés locales.

Enfin, le concept de triangle de sécurité préconise également une stratégie dite de dissuasion, dont le but est de décourager les éventuels agresseurs en adoptant des mesures de représailles. Cependant, le recours à la force armée par les organisations humanitaires étant prohibé, celles-ci favorisent plutôt des méthodes d’ordre diplomatique à l’encontre des États en les menaçant par exemple de suspendre voire de mettre fin à leurs activités par exemple.

LE DILEMME HUMANITAIRE : AIDER OU PÉRIR.

Il existe toutefois des contextes où les conditions sécuritaires ne sont plus suffisamment bonnes pour permettre aux organisations humanitaires de répondre aux besoins des plus vulnérables sans se mettre elles-mêmes en grave danger. Dès lors, c’est un véritable dilemme qui se pose : soit continuer de mener leurs activités au risque de mettre en danger la vie de leurs employés, soit renoncer à leur intervention en suspendant temporairement voire définitivement leurs activités au risque cette fois d’abandonner les communautés les plus vulnérables. Et cela est d’autant plus problématique que plus les risques de sécurité sont élevés, plus les besoins des communautés vulnérables le sont aussi.

« C’est exactement ce qu’il se passe pour Action Contre la Faim au Nigéria. Cet équilibre constant nous amène en permanence à peser les conséquences d’un retrait qui pourrait signer l’émergence d’une situation très critique pour des dizaines de milliers de personnes, avec un danger immédiat pour leur sécurité alimentaire et leur survie versus l’exposition au risque de nos équipes. »

PIERRE MICHELETTI, PRÉSIDENT D’ACTION CONTRE LA FAIM

L’histoire de l’humanitaire compte à ce sujet plusieurs exemples dans lesquels les associations ont fait le choix de se retirer pour ne pas davantage mettre en péril la vie de leurs employés. Ce fut par exemple le cas en 2017, lorsque le Comité International de la Croix-Rouge prit la décision de réduire ses activités en quittant le nord de l’Afghanistan, après avoir subi trois attaques en l’espace de neuf mois, provoquant le décès de sept de ses employés.

Mais le départ des organisations humanitaires internationales ne se fait pas du jour au lendemain, même quand la situation sécuritaire l’exige. Il est en effet indispensable sinon vital que la continuité des activités puisse être assurée. Pour y parvenir, les organisations humanitaires internationales développent donc des partenariats renforcés avec les associations locales afin que celles-ci puissent les remplacer pour continuer à porter assistance aux communautés les plus vulnérables. Néanmoins, cela ne répond qu’à la moitié du problème, puisque le danger et les menaces restent les mêmes pour les structures de solidarité locales.

Pour conclure, retenons donc que la sécurité du personnel humanitaire est aujourd’hui un enjeu réel, difficile à maitriser et susceptible de constituer une double peine pour les populations déjà fragilisées par l’environnement dans lequel elles se trouvent. On ne le répètera en effet jamais assez : « Tuer un humanitaire, c’est condamner celles et ceux qui en ont besoin ».


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