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« Chaque jour, jusqu’à 12 000 personnes dans le monde pourraient mourir de faim »

« Chaque jour, jusqu’à 12 000 personnes dans le monde pourraient mourir de faim »

Cela ne surprendra évidemment personne, mais la pandémie de Covid-19 et les dégâts qu’elle provoque n’ont pas fini de faire parler d’eux. Et cela risque d’ailleurs d’aller de mal en pis, puisqu’en raison de l’impact de la pandémie sur les moyens d’existence des communautés les plus pauvres, il est estimé que le nombre de personnes confrontées à l’insécurité alimentaire aiguë devrait augmenter de 130 millions cette année, soit deux fois plus qu’en 2019, au point de potentiellement faire plus de victimes que la Covid-19 elle-même d’ici fin 2020.

Pour en savoir plus à ce sujet et comprendre les enjeux d’une telle augmentation de l’insécurité alimentaire dans le monde, Carnet de Bord – HUMANITAIRE est parti à la rencontre de la délégation française de l’organisation OXFAM à l’occasion de la publication d’un rapport intitulé « Le virus de la faim » , dans lequel l’organisation appelle l’ensemble des gouvernements à agir au plus vite pour limiter l’impact de la crise sur les populations les plus vulnérables.


OXFAM FRANCE est membre de la confédération OXFAM, une organisation internationale de développement qui mobilise le pouvoir citoyen contre la pauvreté et les inégalités. OXFAM est présente dans plus de 90 pays afin de trouver des solutions durables pour mettre fin aux injustices qui engendrent la pauvreté et les inégalités.


Carnet de Bord – HUMANITAIRE : Dans un monde déjà affamé (on recense actuellement plus de 135 millions de personnes souffrant chaque jour de crise alimentaire aiguë selon le Programme Alimentaire Mondial), comment expliquez-vous que la Covid-19 constitue une menace supplémentaire pour la sécurité alimentaire de millions de personnes ?

Hélène Botreau, Chargée de plaidoyer Agriculture et Sécurité alimentaire pour OXFAM FRANCE : La pandémie s’est superposée à des crises existantes – conflits, crise climatique, crise des inégalités – et à la défaillance structurelle des systèmes alimentaires, qui privilégient le profit d’un petit nombre d’acteurs au détriment des petits producteurs. Certains pays comme le Yémen, l’Afghanistan, le Soudan du Sud, le Venezuela, ou encore la région Sahélienne d’Afrique de l’Ouest déjà en proie à une crise alimentaire grave vont voir leur situation empirer. Et de nouveaux pays, comme l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud pourraient être touchés de plein fouet par cette crise alimentaire, d’une nature sans pareil. Au total d’ici la fin de l’année, on estime que jusqu’à 12 000 personnes par jour pourraient décéder de la faim dans le monde

En réalité, nous assistons à une crise de la demande. Alors qu’on produit suffisamment de nourriture pour toute la planète, que les récoltes 2019-2020 ont été plutôt bonnes (hormis dans certaines régions, comme dans la corne de l’Afrique en proie à une invasion de criquets Pèlerin), certaines personnes n’ont pas accès à une nourriture suffisante et de qualité. L’accès à la nourriture, dépend vraiment du capital économique des foyers, notamment en situation de crise. Pour les ménages les plus pauvres qui dépensent plus de 50% de leur budget dans l’alimentation, la plus petite hausse des prix ou baisse de revenu peut causer une diminution du nombre de repas, ou une baisse de la qualité de la nourriture.

Les populations déjà en situation de vulnérabilité vont être touchées. De nombreuses personnes ont perdu leur travail et donc toute source de revenu. C’est d’autant plus vrai pour les personnes qui travaillent dans l’économie informelle, et qui représentent 61% de la population active. Les femmes et les jeunes sont particulièrement impactés : dans le monde, 40% des femmes et 75% des jeunes adultes ont un revenu qui provient de l’économie informelle. Cela veut dire qu’ils ne bénéficient pas de filets de protection sociale (ex. chômage partiel) et donc perdent leurs moyens d’existence, ce qui les conduit à rogner sur la nourriture.

La pandémie et les mesures de restrictions pour endiguer la Covid-19 ont aussi perturbé fortement les chaînes d’approvisionnement. Les restrictions de déplacements et rassemblement et les limitations de transport ont réduit  les activités de semis, de récolte, et les produits n’ont pas pu être acheminés dans les marchés de proximité, qui souvent étaient fermés. Pour de nombreuses populations pastorales, l’impact sur le bétail est direct: n’ayant pu effectuer la transhumance, le bétail a manqué d’eau et de nourriture.   

Alors qu’au niveau global, le prix des denrées est plutôt stable, des hausses de prix localisées sont observées, résultat de la spéculation de quelques acteurs, au détriment des personnes plus pauvres. Ces hausses de prix concernant principalement les produits périssables (fruits, légumes, produits animaux), la nutrition des populations va s’en trouver très affectée.  

CdB – H : Et tandis que la pandémie de Covid-19 n’est toujours pas résorbée et que beaucoup s’inquiètent de l’imminence d’une seconde vague de contamination à divers endroits de la planète, quelles sont les conséquences que vos équipes ont d’ores et déjà été amenées à observer sur leurs terrains d’intervention respectifs ?

Hélène Botreau : Les pays les plus pauvres sont ceux qui paient d’ores et déjà le plus lourd tribut de cette crise de la faim. D’après l’Organisation internationale du Travail, 305 millions d’emplois à plein temps ont été détruits par la pandémie, et les populations les plus touchées par cette perte d’emploi sont les femmes et les jeunes, car ils travaillent souvent dans l’économie informelle, sans aucune mesure de protection sociale.   

Pour revenir aux femmes, elles sont d’autant plus touchées qu’avec la fermeture des écoles, et le soin des malades, leur charge de travail domestique est alourdie. Un sondage que nous avons conduit à Nairobi révèle que 42% des femmes n’ont pas pu trouver de travail rémunéré à cause de l’augmentation de ce travail domestique, dû à la pandémie.

On sait que les chaines d’approvisionnement ont été perturbées, et malgré l’assouplissement des mesures de confinement dans certaines régions du monde, les paysans sont une population qui demeure particulièrement touchée. Des agriculteurs du Burkina Faso nous ont rapporté devoir vendre leurs actifs agricoles (matériel, bétail) ou encore consommer les semences de la prochaine saison agricole. Certains ont aussi hypothéqué leurs terres pour accéder à des emprunts, et les perdront si leurs récoltes ne sont pas suffisantes. Certaines communautés n’ont pas été consultées lors de transactions foncières réalisées pendant cette période de restriction. En Ouganda par exemple, le gouvernement a interdit les expulsions pendant le confinement, mais l’accaparement des terres s’est poursuivi, si bien que 35 000 personnes dans le pays se retrouvent à présent sans domicile ni terres à cultiver.

CdB – H : Dans l’inconscient collectif, les crises alimentaires se produisent dans les régions les plus sous-développées du continent africain et dans les zones de conflits armés. Néanmoins, la pandémie de Covid-19 vient nous rappeler que l’insécurité alimentaire concerne également des pays qui ne sont pourtant pas affectés par une crise humanitaire pré-existante. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Hélène Botreau : De nouveaux foyers de famine émergent : des pays à revenu intermédiaire comme l’Inde, l’Afrique du Sud et le Brésil voient leurs niveaux de sous-alimentation augmenter, et des millions de personnes au bord de la crise alimentaire, alors que jusqu’ici elles parvenaient à s’en sortir.

Par exemple au Brésil, les mesures de distanciation sociale introduites pour contenir la propagation du coronavirus et prévenir l’effondrement du système de santé publique ont aggravé la crise économique. 41% de la population brésilienne travaille dans l’économie informelle et ce sont ainsi des millions de travailleuses et de travailleurs parmi les plus pauvres – qui n’ont ni épargne ni aide publique – qui se sont retrouvés sans revenus du jour au lendemain. 

En Inde, la faim est un fléau de longue date : en 2019, 14,5% de la population souffrait de malnutrition. Des millions de personnes qui vivaient déjà dans la précarité, au bord de la famine (les communautés rurales, les basses castes, les groupes minoritaires, les femmes et les enfants) ont soudainement basculé et 40 millions d’entre elles se sont retrouvées subitement sans emploi.

« Après cinq semaines de confinement, une étude menée auprès de 5 000 ménages ruraux dans 12 États en Inde a révélé que la moitié avait dû réduire le nombre de repas consommés, et que près d’un quart des ménages en était réduit à quémander de la nourriture auprès d’autres personnes depuis le début du confinement. »

HÉLÈNE BOTREAU, CHARGÉE DE PLAIDOYER AGRICULTURE ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE POUR OXFAM FRANCE

Les pays riches ne sont pas à l’abri : au Royaume Uni, ce sont 7,7 millions de personnes qui ont déclaré avoir sauté un repas ou diminué leurs portions durant le confinement. En France, on s’attend à avoir 8 millions de personnes qui dépendront de l’aide alimentaire en 2020, soit 2,5 millions de plus que les années précédentes. 

CdB – H : Oxfam est une organisation reconnue dans le monde entier pour son travail de lutte contre les inégalités et l’insécurité alimentaire. La stratégie opérationnelle de l’organisation s’appuie non-seulement sur la mise en œuvre de programmes d’assistance auprès des communautés les plus vulnérables, mais également sur des activités de plaidoyer destinées à alerter et mobiliser les décideurs politiques. À ce titre, dans le contexte de la crise liée à la pandémie de Covid-19, quelles sont concrètement :

➡️ Les activités mises en œuvre sur vos terrains d’intervention pour protéger les moyens d’existence des communautés les plus vulnérables ?

Hélène Botreau : Depuis le début de la pandémie, Oxfam est venue en aide à quelque 4,5 millions de personnes parmi les plus vulnérables au monde en leur fournissant de la nourriture et de l’eau potable, avec le concours de plus de 344 partenaires dans 62 pays. Pour surmonter certaines des restrictions de déplacement, Oxfam et ses partenaires locaux ont élaboré des approches innovantes pour porter assistance aux populations dans le besoin, notamment en proposant des transferts monétaires électroniques en Afrique de l’Ouest, de l’eau potable, des distributeurs d’argent accessibles là où les bénéficiaires ont la possibilité d’accéder à des postes d’eau grâce à un crédit prépayé par Oxfam, ainsi qu’en recourant à la cryptomonnaie dans les pays où l’hyperinflation rend la distribution d’espèces plus complexe. 

Concrètement : Au Venezuela, Oxfam travaille avec des organisations locales qui proposent des transferts monétaires afin d’aider la population à acheter de la nourriture et d’autres produits de base, promeuvent le lavage des mains et d’autres mesures pour contenir la propagation du virus et fournissent une aide et des conseils juridiques aux personnes ayant subi des violations de leurs droits humains.

➡️ Vos recommandations formulées auprès des gouvernements pour limiter au plus vite une crise alimentaire déjà grandissante ?

Hélène Botreau : À court terme, les gouvernements doivent prendre des mesures d’urgence pour financer l’aide humanitaire, et permettre aux pays en développement d’avoir les ressources nécessaires pour combattre la faim, en annulant leur dette.

« Les États doivent également mettre en application l’appel à cesser le feu des Nations Unies. On ne peut combattre la faim dans un pays où pleuvent les bombes. »

Hélène Botreau, Chargée de plaidoyer Agriculture et Sécurité alimentaire pour OXFAM FRANCE

Mais ne nous trompons pas d’angle : la faim vient d’un problème structurel profond et relève avant tout d’une volonté politique. La réponse doit être à la mesure du problème : ambitieuse et radicale. Les gouvernements doivent opérer une transition vers des systèmes alimentaires plus justes, résilients et durables, via le soutien à des approches agroécologiques. La gouvernance du système agricole et alimentaire ne doit plus être laissée aux mains d’un petit groupe d’États ou de quelques acteurs puissants, les gouvernements doivent investir le Comité pour la Sécurité Alimentaire international des Nations Unies et soutenir son mandat à coordonner une réponse politique à la crise. 

L’urgence climatique ne doit pas être occultée : nos systèmes agricoles et alimentaires sont une des causes des dérèglements climatiques et les petits paysans qui nous nourrissent en sont les premières victimes. Il faut combattre cette crise d’une toute autre ampleur que celle que nous traversons actuellement, et qui sera encore plus fatale à long terme.


Carnet de Bord – HUMANITAIRE tient très sincèrement à remercier Hélène Botreau, Noélie Coudurier et Marion Cosperec de OXFAM FRANCE pour non seulement avoir accepté de répondre à ces questions, mais également pour la précision et les détails de ces réponses.

Pour en savoir plus sur les activités de OXFAM FRANCE, cliquez ici ⬅️.


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