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Lifestraw pour l’humanitaire: Une vraie fausse bonne idée ?

Lifestraw pour l’humanitaire: Une vraie fausse bonne idée ?

Depuis quelques années et de manière assez régulière, il arrive de voir apparaitre sur internet des articles destinés à faire la promotion de la Lifestraw, une paille qui permettrait de « sauver des millions de vies ». Les superlatifs ne manquent pas : « extraordinaire », « révolutionnaire », « innovation ». Pourtant, aussi étonnante soit-elle, cette paille n’en est pas pour autant nouvelle, puisqu’il s’agit d’un produit commercialisé depuis 2005.

Crédit photo: Vestergaard.

Mise au point par la société suisse Vestergaard, la paille Lifestraw permet de consommer une eau filtrée à 99,999% de toute impureté et des parasites susceptibles de provoquer des maladies liées à l’environnement aquatique (choléra et autres maladies diarrhéiques…). Initialement développée pour les amateur.rice.s de trekking qui ne souhaitent pas s’encombrer d’une gourde remplie d’eau, son utilisation s’est vue étendue à certains terrains humanitaires, en particulier en situation d’urgence comme après le violent séisme qui a frappé l’ile d’Haïti en 2010. Mais est-ce pour autant l’objet « miracle » qui permettra à des millions de personnes de consommer une eau potable ? Pas si sûr.

La Lifestraw est avant tout un produit de luxe.

Comme pour toute technologie, l’innovation à un coût. La Lifestraw n’en fait pas exception, puisque le produit est généralement vendu entre 15 et 25 $ auprès des revendeurs classiques. À ce prix, force est d’admettre que cet objet demeure difficilement accessible pour les millions de personnes qui vivent avec moins de 2 $ par jour et qui sont bien souvent les mêmes vivant sans accès à l’eau potable.


Ce qu’il faut aussi savoir:

Selon l’ONU, 800 millions de personnes vivent avec moins de 2$ par jour, 2,3 milliards n’auraient pas accès à un assainissement de base, et 844 millions n’ont pas accès à l’eau potable.


Par conséquent, dans les contextes humanitaires et/ou l’accès à l’eau potable est extrêmement limité, la paille Lifestraw est en réalité accessible qu’au travers de distributions gratuites mises en œuvre par les organisations humanitaires.

La Lifestraw n’est pas un produit durable.

Dans le domaine humanitaire, de nombreux principes gouvernent l’action au service des populations les plus vulnérables. Parmi eux se trouve le principe de durabilité, qui exige que le bénéfice apporté doit être en mesure de perdurer au-delà du temps de mise en œuvre du programme

Crédit photo: Vestergaard.

Bien qu’il soit indiqué que la Lifestraw est capable de filtrer jusqu’à 4000 litres d’eau au cours de son utilisation, cet objet n’est toutefois équipé d’aucun indicateur pour avertir son utilisateur du dépassement de la durée de vie des filtres. Compte tenu des conditions d’utilisation et le contexte environnemental dans lequel la paille est amenée à être utilisée (ensoleillement, poussière, etc… sont susceptibles d’endommager le produit plus vite que prévu) cette absence d’indicateur peut rapidement devenir préjudiciable en exposant les utilisateurs aux maladies que l’objet est censé leur faire éviter.

À cela se rajoute l’impossibilité de changer le filtre de la Lifestraw. Autrement dit, lorsque le filtre est trop usé et ne permet plus un filtrage efficace de l’eau, le produit doit être jeté et remplacé. Dans les contextes humanitaires toutefois, la question de la gestion des déchets est primordiale et doit être pensée en amont puisque les solutions d’évacuation sur place sont souvent réduites voire inexistantes. Dans le cas de la Lifestraw, l’enjeu est d’autant plus grand qu’elle n’est ni recyclable ni biodégradable. Par ailleurs, la Lifestraw est un objet à usage individuel exclusivement – distribuer une paille par famille serait incongru, d’autant plus en situation d’urgence humanitaire. Ainsi, distribuer une paille Lifestraw par personne signifie également distribuer autant d’objets non-recyclables.

La Lifestraw n’est pas adaptée à tous les contextes culturels.

À l’origine, la Lifestraw a été pensée et développée en vue d’être utilisée par des trekkeurs en soif d’aventure et qui feraient d’eux-mêmes le choix de boire une eau insalubre. Il ne s’agit nullement d’un produit adapté aux contextes humanitaires, dans lesquels l’acceptation est l’élément central à la réussite de tout projet d’assistance.


Ce qu’il faut aussi savoir:

Le principe d’acceptation requiert que tout matériel distribué ou les pratiques enseignées doivent rencontrer d’une part la compréhension des bénéficiaires et d’autre part leur acceptation.


Crédit photo: Vestergaard.

En effet, il peut paraitre inconcevable pour certains bénéficiaires de voir une organisation étrangère/occidentale inviter une communauté sans eau potable à adopter des comportements de trekkeurs alors que celle-ci souhaite bénéficier d’un accès à l’eau de manière digne et sans avoir à s’accroupir à même le sol. Il est également important de tenir compte du contexte culturel dans lequel tout projet d’assistance est mis en œuvre. En effet, dans de nombreux contextes humanitaires, tout s’organise à l’échelle du foyer, et ce sont les femmes qui sont en charge d’aller récolter l’eau. Proposer des pailles individuelles n’est donc pas la solution la plus appropriée, puisqu’elle ne permet pas aux personnes en charge de préparer les repas d’utiliser l’eau filtrée pour nettoyer les aliments et pour la cuisson.

La Lifestraw n’est pas LA solution ultime pour un accès durable et digne à l’eau potable.

S’il demeure bel et bien possible d’admettre que la Lifestraw peut s’avérer très utile à court terme ou en situation d’extrême urgence, comme dans les premières heures qui suivent la survenance d’un séisme ou d’un cyclone par exemple, il est toutefois impossible de l’envisager comme une alternative viable sur le long terme ou en matière de développement. En effet, tandis que de nombreux médias ont présenté la Lifestraw comme étant « la paille qui pourrait sauver des millions de vies », il demeure essentiel de rappeler que la priorité qui demeure – et qui doit le rester – est l’installation et/ou l’amélioration des structures et des réseaux d’assainissement et d’approvisionnement en eau potable couplées à la continuation des campagnes de sensibilisation à l’hygiène.

L’existence d’un instrument telle que la Lifestraw rappelle en effet que plus de 800 millions de personnes dans le monde ne bénéficient pas d’un accès à l’eau potable. Il convient donc de ne pas déresponsabiliser les acteurs gouvernementaux concernés et chargés d’assurer ces services à leur population.


Ce qu’il faut aussi savoir:

Dans le cadre de toute intervention humanitaire, ce sont les États qui ont la responsabilité première de mettre en œuvre des opérations de secours, d’assistance et de développement envers les populations vulnérables. Le soutien des organisations non-gouvernementales est évidemment possible lorsque ces États n’ont pas les moyens d’assurer cette responsabilité, en particulier suite à une catastrophe, mais le soutien des ONG n’a pas vocation à perdurer ad vitam aeternam.


L’Assemblée Générale des Nations Unies a d’ailleurs rappelé le 28 juillet 2010 que « le droit à l’eau potable salubre et propre est un droit fondamental, essentiel en plein exercice du droit à la vie et de tous les droits humains », et que tous les États y sont soumis. Envisager la Lifestraw comme la solution ultime au problème de l’accès à l’eau contribue donc non seulement à déresponsabiliser les États, mais cela pousse aussi davantage les bénéficiaires dans une logique de dépendance et d’assistanat vis-à-vis de l’assistance humanitaire.

Quelle serait donc la solution la plus adaptée pour permettre un accès universel à l’eau potable ?

Lifestraw Community.
Crédit photo: Vestergaard.

Sur place, les organisations humanitaires en charge des questions d’eau et assainissement préfèrent s’appuyer sur le modèle familial des produits de l’entreprise Vestergaard (fontaines filtrantes de type Lifestraw community). Si ce produit en tant que tel ne répond toujours pas au problème du recyclage, il permet toutefois de réduire le nombre d’objets distribués, puisqu’une fontaine de ce type est suffisante par foyer. Cela permet également aux bénéficiaires de se rendre visuellement compte de l’efficacité du filtrage, contrairement à la paille Lifestraw, qui n’est pas transparente et qui s’utilise directement avec la bouche.

En attendant, les enjeux humanitaires incitent à rechercher et à appliquer les solutions prouvées ou les alternatives permettant d’alléger les souffrances des populations, de sauver des vies tout en cherchant à rétablir leur dignité. Cela ne relève toutefois pas uniquement de la responsabilité des organisations de solidarité internationale. Une vraie solution durable suppose en effet de travailler de concert avec les autorités et les gouvernements responsables et conscients de leurs responsabilités, qui seraient aptes, après une phase de transition avec les organisations humanitaires, à gérer eux-mêmes la question de l’accès à l’eau potable et aux structures d’assainissement de base. De toute évidence, le chemin à parcourir est encore long, mais c’est là que réside tout l’enjeu de l’action humanitaire et du développement international durable.


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