6 idées reçues sur l’humanitaire.
Les idées reçues, il en existe pour tous les sujets… Et l’humanitaire ne déroge évidemment pas à cette règle ! Que ce soit durant des conversations entre amis ou dans les discussions menées sur les réseaux sociaux, on trouve toute sorte d’affirmations erronées et autres raccourcis utilisés à tort et à travers à ce sujet. En quelques minutes, je vous propose de passer en revue les idées reçues les plus répandues lorsque l’on parle d’humanitaire, et d’y répondre afin de comprendre ce qu’il en est réellement.
Idées reçue n°1 : Tous les travailleurs humanitaires devraient être bénévoles, car tout le monde peut faire de l’humanitaire.
Sous prétexte que l’humanitaire vise fondamentalement à apporter de l’aide, il est souvent considéré que n’importe qui peut le faire. Mais travailler dans l’humanitaire, ce n’est pas seulement « aider son prochain ». C’est avant tout identifier avec précision quelles sont les personnes les plus vulnérables et déterminer quel type d’assistance répond le mieux à leurs besoins. C’est aussi évaluer et analyser les risques environnementaux, économiques, sociaux et sécuritaires liés à la crise en question et mettre en œuvre les mesures les plus adéquates possibles pour ne pas créer davantage de problèmes.
Travailler dans l’humanitaire c’est aussi recruter les équipes sur place qui seront au cœur de la mise en œuvre de l’intervention, mais aussi veiller chaque jour à la bonne utilisation des fonds attribués aux projets d’assistance. C’est également s’assurer que la logistique opérationnelle soit efficace sept jours sur sept quelques soient les challenges quotidiens. C’est garantir que les standards de qualité de mise en œuvre de l’action humanitaire soient respectés tout en travaillant en faveur d’une stratégie de sortie pour que cette assistance ne soit pas réalisée ad vitam aeternam.
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C’est pour toutes ces raisons non-exhaustives, qui soulignent l’expertise requise pour les activités humanitaires, qu’il est indispensable d’impliquer des professionnels. Et comme il serait impensable d’exiger des médecins, infirmiers et sapeurs-pompiers d’effectuer bénévolement leur travail d’assistance auprès des personnes dans le besoin, il en est évidemment de même pour les travailleurs humanitaires.
Idée reçue n°2 : Il suffit d’organiser une collecte de nourriture et de vêtements pour aider les pays les plus pauvres.
Contrairement à ce qu’il serait possible de croire, envoyer des produits tels que des vêtements et de la nourriture vers les pays les plus défavorisés pour que tout cela soit gratuitement distribué sur place est susceptible de faire plus de mal que de bien. En effet, même dans les endroits les plus pauvres de la planète, il est toujours possible de trouver ces produits puisque le véritable problème concerne l’impossibilité de pouvoir se les procurer. C’est-à-dire que les personnes n’ont tout simplement pas de moyens économiques suffisant pour les obtenir.
Par conséquent, il est clair que si ces produits sont déjà commercialisés sur place, et que quelqu’un ou un groupe de personnes ramène le même type de produits afin qu’ils soient distribués gratuitement, c’est toute l’économie locale qui en pâtira. Les plus pauvres pourront certes bénéficier des produits ramenés de l’étranger et distribués gratuitement, mais les commerçants tomberont ensuite à leur tour dans la pauvreté.
Pour éviter ce type de désagrément et promouvoir au maximum l’indépendance des communautés vulnérables – car assistance ne doit pas rimer avec assistanat – il est donc conseillé de se tourner en premier lieu vers les commerçants locaux, pour se procurer les produits dont ils disposent, avant de les redistribuer aux plus vulnérables. De cette manière, les communautés accèdent à ce qui leur manque sans que l’économie locale soit négativement impactée puisque les commerçants bénéficient également de cette intervention.
Idée reçue n° 3 : L’utilisation de l’argent reçu par les organisations humanitaires manque de transparence, et celles-ci ne rendent pas de comptes.
De par le fait qu’elles utilisent en grande partie des financements publics (c’est-à-dire d’un État comme la France au travers du Ministère des Affaires Étrangères ou bien d’institutions comme l’Union Européenne), mais aussi parce que leur action repose sur la confiance que le public leur accorde, les organisations humanitaires comptent parmi les structures les plus contrôlées quant à l’utilisation des sommes qu’elles mobilisent pour la réalisation de leurs projets.
À l’interne tout d’abord, les organisations sont tenues de réaliser des audits afin de s’assurer que les fonds sont correctement utilisés pour l’ensemble des projets mis en œuvre sur le terrain, en conformité avec les procédures propres à chaque organisation, en matière d’achats par exemple, ou en termes de ressources humaines. Chaque bailleur et institution finançant des projets d’assistance internationale se réserve également la possibilité de réaliser un audit afin d’examiner à l’euro près comment le budget des projets en question a été utilisé.
Chaque année, les comptes des ONG sont également contrôlés et certifiés par des commissaires aux comptes, et dans le cas de la France, l’État peut également contrôler à tout moment l’utilisation des fonds, qu’il s’agisse des dons effectués par les particuliers, ou des sommes attribuées par les bailleurs et autres institutions internationales.
Cette idée reçue souligne toutefois une véritable inquiétude, à savoir le manque de transparence complète des ONGs envers le public. En effet, pour mettre fin une bonne fois pour toute à la méfiance exprimée par une partie du public, il ne suffit pas de publier chaque année un rapport relatant dans quelles proportions le budget global de l’organisation a été utilisé. Il conviendrait davantage que les ONG rendent des comptes de la même manière qu’elles le font avec les bailleurs et institutions internationales, c’est-à-dire en justifiant publiquement l’utilisation des fonds qu’elles ont perçu, à l’euro près, tout en démontrant plus de pédagogie dans leur communication au sujet de la réalisation de leurs projets menés sur le terrain.
Idée reçue n°4 : Pour faire de l’humanitaire, on peut partir pour le compte d’une association afin de donner des cours de français dans une école.
Comme cela a été expliqué dans une vidéo dédiée à ce sujet, partir dans un pays en développement pour donner des cours de français sans être habilité à le faire dans son propre pays, ce n’est pas de l’humanitaire. C’est du volontourisme.
Et ce genre de pratique est en tout point critiquable puisque l’impact de ces projets est autant négatif que contre-productif, et sous-entend que même sans formation technique, et uniquement avec de la bonne volonté, le volontaire étranger est toujours plus instruit et capable d’œuvrer efficacement que les personnes vivant dans le pays en question.
Alors si vous souhaitez aider et contribuer à des actions solidaires de la manière la plus juste et la plus sensée sans nécessairement disposer d’une formation dans ce domaine, la meilleure idée est de commencer en tant que bénévole au sein d’une association dans votre ville.
Idée reçue n°5 : Quand je fais un don, j’exige que 100% du montant bénéficie directement aux personnes vulnérables sur place, pas aux salaires ou aux autres frais.
Soyons clairs, il est impossible que le montant attribué à la résolution d’une crise humanitaire soit intégralement reversé de manière directe aux bénéficiaires sur place. Et cela pour plusieurs raisons.
Prenons le cas d’une distribution alimentaire : cela nécessite, après approvisionnement, que les denrées à distribuer soient d’abord stockées dans un entrepôt loué à cette fin. Lorsque les éléments contextuels sont réunis pour que la distribution puisse avoir lieu, il est nécessaire qu’un camion avec le service d’un chauffeur soit loué, afin d’aller apporter l’aide d’un point A vers un point B. Le camion rempli de vivres devra ensuite être déchargé sur place, par des personnes employées à cette occasion, afin que la distribution puisse enfin avoir lieu. Autrement dit, dans le cas d’une simple distribution alimentaire, il est impossible de s’exonérer de coûts indirects tels que les frais de stockage et de transport. Et de la même manière, chaque type d’activité humanitaire comporte son lot de frais incompressibles et inhérent à sa réalisation.
Et puis ces projets qui sont mis en œuvre nécessitent forcément l’implication de travailleurs, en très grande partie nationaux, et en plus petite partie internationaux, dont le travail ne peut évidemment pas s’effectuer de manière bénévole. Dans certains lieux d’intervention où l’économie est en berne et le taux de chômage très important, les ONGs sont même les principaux recruteurs et permettent de cette manière de redynamiser l’économie locale et nationale. À ce titre il est également erroné de penser que le budget de chaque projet sert avant tout à payer les salaires des travailleurs internationaux, puisqu’en termes de proportion, la part accordée aux salaires des travailleurs nationaux est très largement supérieure.
Idée reçue n°6 : Faire un don aux organisations humanitaires ne sert à rien, puisque malgré l’argent qu’elles reçoivent, les crises perdurent années après années.
Cette dernière idée reçue nécessite une explication qui va bien au-delà des actions menées par les organisations humanitaires, qui d’ailleurs ne sont pas celles à blâmer lorsqu’il s’agit de comprendre pourquoi certaines crises perdurent.
Rappelons pour commencer, que les catastrophes naturelles, c’est-à-dire les séismes, les cyclones ou les tsunamis par exemple, sont imprévisibles, et il en est de même s’agissant de leur impact. Il est à ce titre injuste de tenir les ONGs responsables de la récurrence de ces catastrophes.
De plus, beaucoup d’éléments extérieurs aux organisations humanitaires sont à prendre en compte dans la résolution d’une crise. L’existence d’un ou de plusieurs conflits armés dans un seul et même pays, la corruption présente dans toutes les structures d’un État ou l’absence d’une politique de santé public à destination de tous sont des exemples caractéristiques d’éléments extérieurs qui échappent au contrôle des organisations humanitaires, mais qui contribuent bel et bien à la survenance ou à la perpétuation de crises.
Enfin, il est primordial de garder à l’esprit que c’est avant tout aux États eux-mêmes d’apporter la protection et l’assistance nécessaires à leur population lorsqu’une crise survient. Les ONG sont évidemment présentes pour soutenir les États lorsqu’ils ne sont pas ou plus en mesure d’agir correctement, mais leur assistance n’a pas et n’aura jamais vocation à se substituer indéfiniment aux devoirs des États.