Sécurité alimentaire, famine, malnutrition, sous- alimentation: De quoi parle-t-on ?
QUELQUES DÉFINITIONS GÉNÉRALES.
Selon le dictionnaire pratique du droit humanitaire, la famine est définie comme étant « un état de pénurie alimentaire grave s’étendant sur une longue durée et qui conduit à la mort des populations concernées » (1). La famine, ainsi caractérisée par l’absence prolongée d’alimentation pousse les individus concernés vers l’état de sous-alimenté, qui peut leur être fatal. La notion de sous-alimentation s’oppose quant à elle à la notion de malnutrition. La malnutrition est en effet caractérisée par une déficience en micronutriments tels que les vitamines ou le fer (2), tandis que la sous-alimentation trouve son origine dans le manque d’apports suffisants en calories. En d’autres termes, si la sous-alimentation induit inévitablement la malnutrition des personnes, l’inverse n’est pas possible, puisqu’une personne peut être touchée par la malnutrition sans pour autant souffrir de faim (3).
Les conséquences de la sous-alimentation sont autant visibles qu’invisibles, en ce qu’elles ont un impact physique et psychologique sur les personnes. En effet, l‘état de faim prolongée provoque inévitablement des souffrances au corps et réduisent les capacités motrices et mentales des individus. Cela a pour effet de les empêcher de réaliser correctement une activité par exemple économique et de perpétuer par conséquent le cercle vicieux de la faim (4). Par ailleurs, la sous- alimentation augmente drastiquement l’exposition aux maladies, lesquelles accentuent consécutivement les risques de décès liés à la faim. De façon plus méconnue que son impact physique toutefois, la sous-alimentation a des conséquences redoutables sur le psychique des personnes touchées. Elle contribue en effet à la dépréciation de la dignité de la personne, placée sous l’angoisse constante d’un lendemain toujours plus incertain et la honte de ne pouvoir subvenir à ses propres besoins ou ceux de sa famille (5).
L’alimentation, en tant qu’élément indispensable au développement physique et mental de l’être humain, revête un aspect essentiel de la vie de celui-ci. Les aléas climatiques, les fluctuations du marché ou encore la guerre peuvent néanmoins largement compromettre l’accès des individus à une alimentation accessible, suffisante et adéquate, et les placer consécutivement en situation d’insécurité alimentaire. Le concept de sécurité alimentaire a d’abord été défini comme « la capacité de tout temps d’approvisionner le monde en produits de base, pour soutenir une croissance de la consommation alimentaire, tout en maitrisant les fluctuations et les prix » (6). Lors du Sommet mondial de l’alimentation de 1996, il a finalement été retenu que « la sécurité alimentaire est assurée quand toutes les personnes, en tout temps, ont économiquement, socialement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sure et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie active et saine ».
L’ANALYSE DE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE.
Depuis 2004, la sécurité alimentaire est examinée au moyen d’un outil communément appelé « Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire » (IPC), lequel a été établi par l’Unité d’analyse de la sécurité alimentaire et de la nutrition de la l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) pour la Somalie (FSNAU). L’IPC distingue cinq phases de situations de sécurité alimentaire, de la sécurité alimentaire généralisée à la situation de famine et crise humanitaire en passant par l’état d’urgence humanitaire (7). Chacune de ces phases est évaluée à l’aide d’indicateurs d’impact de référence spécifiques. La phase de situation la plus grave, c’est-à- dire la situation de famine, est déclarée par la FSNAU et le réseau de système d’alerte rapide sur les famines (FEWS NET) de l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID) lorsque au moins trois critères des protocoles IPC sont réunis:
– un grave manque d’accès à la nourriture pour 20 % de la population,
– une situation malnutrition aiguë – moins de 2100 kcal et moins de 4 litres d’eau disponibles par jour et par personne – dépassant les 30 %,
– et un taux brut de mortalité supérieur à deux décès par jour pour 10 000 habitants.
L’IMPACT SPÉCIFIQUE DES CONFLITS ARMÉS.
L’insécurité alimentaire a pour particularité d’être l’une des conséquences des conflits armés, comme le confirme un rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation (8), lequel reprend une affirmation soutenue par le Comité International de la Croix- Rouge. En période de conflit armé, quelles que soient les causes ayant réduit l’accès à l’alimentation, les populations civiles demeurent les premières touchées. Principales victimes des conflits armés comme le reconnaît la résolution 1265 du Conseil de Sécurité des Nations Unies (9) au travers des effets de la guerre dus aux balles, explosions et autres exactions commises par les groupes armés, les populations civiles subissent également la guerre au travers de l’impact irrémédiable que celle-ci a sur la sécurité alimentaire de toute région qu’elle affecte.
Comme le souligne Jelena Pejic, la guerre contribue à l’insécurité alimentaire en ce qu’elle perturbe toutes les étapes nécessaires à la nutrition des personnes, du stade de production à la consommation des produits (destruction des moyens de subsistance) en passant par l’approvisionnement des marchés (10). L’impact des conflits armés à l’étape de production des denrées alimentaires est particulièrement perceptible dans le domaine agricole, puisque la conduite des hostilités peut conduire les parties à un conflit armé de faire fi des précautions indispensables auxquelles celles-ci sont soumises en ce qui concerne les zones civiles.
(1) Françoise Bouchet-Saulnier, Dictionnaire pratique du droit humanitaire, p.248 (3ème édition)
(2) La carence en fer constitue la forme la plus fréquente de malnutrition. Elle empêche le développement cérébral.
(3) Sylvie Brunel, La Faim dans le monde. Comprendre pour agir, p.20-22
(4) Jean Ziegler, L’Empire de la honte, p.130 (Édition Livre de Poche)
(5) Jean Ziegler, L’Empire de la honte, p.137-138 (Édition Livre de Poche)
(6) FAO, Note d’orientation n°6, juin 2006.
(7) IPC Technical Manual Version 2.0. Disponible ici.
(8) Le droit à l’alimentation. Rapport préliminaire établi par M. Jean Ziegler, Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur le droit à l’alimentation (23 juillet 2001), A/56/210
(9) Adoptée en 1999.
(10) Jelena Pejic, The right to food in situations of armed conflit : The legal framework, Revue internationale de la Croix-Rouge, Vol. 83, 2001, p.1097
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